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« Gironde », ma bien nommée, toi qui m’as adoptée…

Balades, Gironde secrète, Grand air

Mon métier est de faire aimer la Gironde, et j’ai pour habitude au demeurant étonnante de préciser à ceux à qui je la « raconte » que je n’y suis pas née. Car cela a rendu mon lien affectif avec ce territoire très fort : la Gironde est mon département de cœur.

La Gironde fut mon choix, et le destin m’a fait de nombreux signes qui me laissent penser que je fus aussi le sien.
Avec elle, j’ai franchi des caps, des étapes de vie.

On dit d’une personne « Gironde » qu’elle est accueillante. Qu’une femme « gironde » est prête à être mère.
Gironde, tu es si bien nommée, toi qui m’as accueillie, prise sous ton aile, et adoptée.

 

J’y repensai hier en prenant le train pour la dune du Pilat.

En face de moi, un groupe d’une demi douzaine d’amis, surexcités, le verbe un peu haut (mais des yeux si pétillants qu’on ne pouvait que leur pardonner leur fougue) ont pris place et ont commencé à tirer des plans sur la comète, ou plutôt sur la dune, qu’ils s’apprêtaient à « décrocher ». Tout juste titulaires de leur baccalauréat, ils partaient sur le Bassin d’Arcachon pour fêter cela.
J’ai eu alors une troublante sensation : moi aussi, il y a 15 ans, mon baluchon à la main et mes 5 meilleures amies à mes côtés, je suis allée fêter mes résultats du Bac en partant en vacances à la dune du Pilat. Quelle drôle de coïncidence…

Ce fut ma première rencontre avec la Gironde. Premier cap : mon passage à la vie d’adulte.

J’ai encore précisément en mémoire ce voyage en train qui nous y mena : nous venions de Bourgogne, il fut donc très long. Nous étions surexcitées d’atteindre le « sud ». Je sens encore sur ma peau le soleil tapant à notre descente en gare d’Arcachon. A Auxerre, nous n’étions pas habituées à dépasser souvent les 35 degrés !

Je me souviens de cette première escale à Arcachon, nous sommes directement allées sur la jetée Thiers, avec nos grosses valises, et je n’oublierai jamais cette première vue sur l’océan (le Bassin Anne, le Bassin !!! Mais je ne savais pas à l’époque…). J’en ai eu les larmes aux yeux : vous savez, lorsque l’on vit dans les « terres », l’océan on ne le voit qu’une semaine de congés par an… J’avais à la main une glace au melon. Le goût est encore sur ma langue…

Ma première montée de la dune du Pilat aussi garde un gout d’éternité. Je pourrais vous dire exactement ce que j’ai mangé avant, ce que nous nous sommes dit tout en haut (ou plutôt ce que nous ne nous sommes pas dit, tant le spectacle du Bassin et de ce désert aquitain nous a scotchées et réduites au silence !). Je suis encore essoufflée de la remontée de son versant sans escalier, on ne nous avait pas expliqué que cela faisait autant travailler les cuisses…

A 17 ans, j’ai passé en Gironde les vacances qui resteront surement les plus belles de ma vie : mes premières vacances d’adulte. On ne partageait pas tout via son smartphone à l’époque, alors ces souvenirs sont rangés précieusement dans un coin de ma mémoire. Les années sont comme une paraffine qui les conserve. Précieusement.

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Crédit photo: D.Remazeilles – Gironde Tourisme

J’ai continué à écouter le groupe d’amis dans le train, en imaginant qu’ils vivraient la même chose -en les enviant un peu- et ils ont commencé à parler de la rentrée, de leurs projets, des concours.

Est revenue à moi mon deuxième rendez-vous avec la Gironde.

Après l’adolescente, elle a reçu la femme.

C’était à Bordeaux, en pleins travaux du tram, il y a 12 ans. Je suis venue passer un concours dans une grande école. J’en garde le souvenir d’un vaste « bazar », de gens qui parlent fort, d’une forte chaleur. Lorsque quelques jours seulement avant la rentrée j’appris que Bordeaux serait mon nouveau « chez moi », j’ai pris peur : l’image furtive qu’elle m’avait laissé était bruyante, pour la petite provinciale que j’étais.

Je suis alors à nouveau venue à la Gironde avec une grosse valise, qui a craqué dans le train. Toute ma vie s’est étalée dans les allées. Je me suis sentie seule, je n’avais personne à rejoindre (à part la dame du CROUS qui devait me donner la clé de ma cité U). Contrairement à quelques années auparavant, je ne voulais pas que le train arrive.

Cette angoisse est encore là, au creux de mon ventre, mais elle fut très vite effacée par ce moment où la Gironde, ma Gironde, m’a ouvert les bras, accueillie. Adoptée.

Je suis allée me promener, avec ma valise rafistolée (tenue par des tendeurs de vélo !), sur les quais, et soudain je suis arrivée place de la Bourse. Bordeaux n’était absolument pas celle dont j’avais gardé une fausse image : il y avait les rires des enfants, la sérénité de la Garonne, les amoureux qui passaient en se tenant la main et qui semblaient marcher sans se soucier où leurs pas les mèneraient. Il y avait une ambiance apaisante, et face à moi, cette place lumineuse à la pierre blonde moirée d’ors par le soleil cuisant (mais que j’ai vite trouvé agréable !!!) du Sud Ouest. La plus belle que je n’avais jamais vue.

A ce moment précis, j’ai posé ma valise, mes angoisses : la Gironde m’a dit bienvenue.
S’en sont suivies des rencontres bienveillantes, des découvertes gourmandes, iodées, viticoles, des mises au vert ou des échappées vers la grande bleue. Comme la Gironde était….gironde ! Ici, on est tous les jours en vacances. C’était ça, cette sensation de liberté et de sérénité, place de la Bourse…

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Crédit photo: A.Quimbre

Un jour, mes études finies, j’ai voulu partir ; Je n’étais pas de celles qui s’attachent et qui restent à un endroit. Mais quand je me suis retrouvée ailleurs, j’avais au ventre ce même creux : c’était un manque.

Le manque de mon « chez moi ».

Je ne concevais plus de ne voir mon océan qu’une fois par an. Je m’ennuyais des bruits et chants de mon Bordeaux. On me toisait désormais bizarrement, « ailleurs », quand je demandais « une chocolatine dans une poche » ou bien quand je me sentais « gavé bieng ».

Que feront ces jeunes bacheliers plus tard ? Je leur souhaite de, tout comme moi il y a 15 ans (le temps passe tellement vite…), vivre en Gironde leurs premières émotions d’adultes, et de merveilleuses vacances. Celles dont les derniers moments d’insouciance laissent un goût de glace au melon, de sable qui brûle les pieds, de rires, d’éternité. De Dune du Pilat.
Je leur souhaite de faire, pendant leurs études, les mêmes belles rencontres que moi. D’être adoptée comme je l’ai été. Loin de leur famille, de s’en créer une nouvelle. Qu’importe la terre qui les accueillera.

Ce que je fais aujourd’hui ?

Mon métier, mon premier « vrai » métier, est de faire aimer la Gironde. Et j’ai pour habitude étonnante de préciser à ceux à qui je la « raconte » que je n’y suis pas née ; Que la Gironde, la bien nommée, avec ses courbes généreuses, ses hommes et ses femmes accueillants, son terroir exceptionnel, m’a adoptée. Ça rend mon discours encore plus sincère. Je vous le disais, c’était le destin.

Tandis que les jeunes sont descendus du train, j’ai ramassé les papiers qu’ils avaient laissés derrière eux, et j’ai moi même laissé sur le siège ces 15 ans de vie qui venaient de défiler devant moi.
Je n’ai pas traîné. La Dune du Pilat m’attendait.

A chaque fois que j’y retourne, je revis toutes ces émotions. Peut-être le destin m’a joué un nouveau tour pour me rappeler le chemin parcouru.

Pour remercier ma Gironde, ma terre d’adoption, je laisse la nostalgie de ma jeunesse dans ce train qui déjà est reparti, et vais plutôt me concentrer sur les 15 prochaines années à venir avec elle. Je sais que notre histoire est loin d’être finie. Elle qui est si dynamique, je n’imagine pas la quitter de si tôt !

I love Gironde !